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Effet des guerres de 5ème génération sur la dynamique des groupes

Effet des guerres de 5ème génération sur la dynamique

des groupes qui luttent contre les pulsions de déliaison et de mort

10.10.2023


Nous voyons aujourd’hui que beaucoup de nos concitoyens et confrères sont épuisés. Nous avons pu entendre que « nous sommes en guerre », mais on ne nous a pas annoncé la fin de cet état de guerre. Pour certains, il s’agit d’un effet des « guerres de 5ème génération ». Mais de quoi parle-ton ?

Nous parlons d’une guerre qui veut et ne veut pas en être une, tout à la fois. Discrète et sourde, la guerre est psychologique et met nos perceptions et nos esprits à l’épreuve.

L’art de la guerre allie aujourd’hui la technologie, l’intelligence artificielle et la mondialisation. C’est une guerre sans front, qui se fait sous couvert d’information, ou plutôt de communication, puisqu’il s’agit de désinformation et de propagande.

Cette guerre perturbe l’esprit, parce qu’elle n’a plus d’axes repérables. Elle ne présente plus d’espace ni de temporalité. Elle est permanente, sans territoire définit, puisqu’elle ne présente pas de « front de guerre ». De fait, il n’y a pas non plus de « base arrière » pour se retrancher ou faire une pause.

Cette communication brouille les notions de guerre et de paix, guerre des mots, elle se passe même de motif valable.

Si nos concitoyens ne se sentent pas en guerre, c’est que le conflit que nous vivons aujourd’hui, n’en a ni le fond, ni la forme.

La vision de l’opinion publique est déformée par les médias.

Comment reconnaître une guerre qui a des armes indétectables pour celui qui n’est pas formé à la guerre. Les bombes dont je vous parle sont les arguments moralisateurs, politiques, sanitaires utilisés. Elles n’en sont pas pour autant moins meurtrières.


Comment en sommes-nous arrivés là ?

Dans un article de 1989, l’écrivain Américain, William Sturgis Lind, a théorisé le concept de guerre de 4ème génération, dans la Marine Corps gazette intitulé "The changing face of war : into the fourth generation". Il s'agissait d'adapter l'art opératif à la guerre hybride, c’est-à-dire, aux règles de 3 premières générations de guerre réparties ainsi :

la guerre de 1ère génération, répond à des règles, à un droit de faire la guerre, le gagnant est celui qui a le plus d’hommes,

la guerre de 2nde génération : correspond à l’arrivée des armes. Le gagnant est celui qui a la plus grosse puissance de feu et le plus gros nombre de soldats.

La guerre de 3ème génération : guerre de stratégie, de déplacements, de manœuvres, celui qui gagne est le plus mobile, le plus armé et le plus « nombreux ».

Quant à la guerre de 4ème génération : il s’agit des actes terroristes, vous l’aurez compris, mais également des guerres de la manipulation, les guerres psychologiques, celles de la manipulation de l’information,…

Elles n’ont pas de fin, et comme nous l’avons vu plus tôt, elles abolissent les limites entre guerre et paix, puisqu’elles ont ceci de spécifique, qu’elles harcèlent, la force est utilisée en permanence.

Puis viennent les guerres de 5ème génération : qui est une extension des stratégies et tactiques de la guerre asymétrique et insurrectionnelle, dans laquelle nous retrouvons les tactiques et armes militaires conventionnelles et non conventionnelles associées.

Elles exploitent les motifs aussi divers que les causes politiques, religieuses et sociales.

Ce nouveau gradient se développe par le biais des réseaux sociaux, de l’Internet et du cycle des nouvelles de 24 heures pour modifier les biais cognitifs des individus et/ou des organisations.

Elles sont arrivées avec le progrès technologique, la mondialisation, la déshumanisation et l’instantanéité des échanges.

Elles n’ont plus besoin de s’embarrasser d’une armée, d’un commandement ou même d’humains. L’arme utilisée est celle de l’information, qui modifie les perceptions de l’ennemi.


Ces guerres se veulent silencieuses, invisibles, insaisissables et souvent pas nommables, car elles ne sont pas identifiables. Elles se veulent également indolores pour la plupart des victimes, elles sont pourtant puissamment traumatisantes.

Le gagnant est celui qui fait le plus de profit, car le belligérant est le plus souvent, le marché. Elles sont elles aussi sans fin.

Les outils et stratégies sont invisibles, il n’y a plus de déclaration de guerre, de cible désignée, de mouvement, si ce n’est électronique. Ce sont des guerres économiques, qui sont lancés entre entreprises, mais également sur les consommateurs, une population.

Elles adoptent des méthodes intrusives et pourtant indétectables.

Mes collègues et moi n’avons de cesse de sensibiliser nos concitoyens à cet art de la guerre, qui repose sur des secrets pervers.

Ces actes guerriers passent par des mesures politiques ou économiques, des discours médiatiques classiques, de fait, il est difficile de les discriminer.

Les victoires remportées ne sont pas identifiables et donc pas nommables.


Comment ces guerriers ont-ils appris ce nouvel art de la guerre ?

Grâce à nous tous. Pour lutter, il a fallu emmagasiner de la data sur les biais cognitifs humains, sur nos faiblesses. L’humain ayant intégré qu’il n’a plus de prédateur naturel, il a perdu l’habitude de se méfier.

Comme il est assez peu au fait qu’il est aisément manipulable par ses propres émotions ou attitudes induites, il délaisse souvent la psychologie, comme une discipline mineure et se laisse étudier jusque dans sa mécanique psychique la plus intime.

Petit à petit, l’homme n’a plus pris soin d’aiguiser son discernement. Devant la confusion que suscite chez lui la manipulation des biais cognitifs, il s’en remet au jugement des foules pour choisir son opinion. Il a délaissé sa capacité de discernement au profit d’un besoin d’adhésion groupale.

L’agression se fait donc au profit d’une absence d’opinion, qui est redirigée vers une opinion suggérée. D’où l’importance de favoriser les contextes de confusion mentale. C’est une guerre de l’attention contrainte. Les rebelles sont pilonnés à coup de sentiment de honte et de menace d’éjection sociale.


Depuis plusieurs années, la population est plongée dans une succession inédite d’évènements émotionnellement forts, angoissants et déstructurants. Ce qui a pour résultat, effet, de faire monter un sentiment d’insécurité et d’instabilité, propice à la manipulation des émotions et opinions, avec l’aide des médias de masse.


Pour lutter, il faut donc :

1. sélectionner ses sources d’information, se décentrer, vérifier tranquillement ces informations

2. reconnaître le fait qu’il s’agit bien de faits de guerre.

3. Le résistant doit apprendre à connaître son ennemi

4. Il doit s’éduquer à repérer les paradoxes, c’est-à-dire, quand on apparie propagande, rumeurs, fausses information, vraies et fausses vérités.

5. Il doit savoir discerner les rhétoriques fallacieuses

6. à reconnaitre les biais cognitifs qui détournent de nos émotions, nos besoins et nous amènent à adopter des comportements qui entrent en conflit avec nos valeurs ou nos convictions.


Pourquoi les mouvements d’opposition, que l’on appelle « la résistance », sont touchés par ces guerres et comment se traduisent-elles ?

La situation de groupe implique nécessairement un ensemble de processus qui appelle la notion de dynamique.

Ethymologiquement, « situation », est dérivé du participe passé de « situare » qui veut dire "placer, localiser" et du latin situs " une position". Situation signifie : « là où tout se rejoint ».


Des personnes de trouvent en situation de groupe, quand elles ont réfléchi à une question, qu’elles ont cheminé intellectuellement ensemble. Elles vont alors être traversées par la question de la dynamique des groupes.

Les psychosociologues rappellent que les difficultés de groupe sont inévitables, car elles renvoient au questionnement identitaire, indissociable de la blessure narcissique du fait même d’être groupe. Rappelons, que pour échanger en groupe, il faut quelque part mourir à son individualité.

La notion de dynamique de groupe nous vient de la sociométrie, avec le médecin Jacob-Lévy Moreno (expérience de Hudson) et le psychologue Américain Kurt Lewin.

En Europe, ces études sont associées aux concepts psychanalytiques, dans ce que l’on appelle : « l’approche groupale ».

Les groupes rencontrent des problèmes internes inhérents à la situation de groupe. Ils sont traversés par deux séries de phénomènes :

- Les premiers sont liés aux interactions entre les individus :

La dynamique de l’humain est telle, qu’il cherche à se rassembler, il créer un groupe qui le rassure. Selon la définition que donne le psychologue Robert Delhez, en 1985, un groupe « est un ensemble de personnes physiquement réunies en un même lieu, en nombre égal ou supérieurs à quatre, ayant la possibilité de communiquer entre elles ».

- Les seconds, sont liés à l’histoire de l’appartenance au groupe.

Psychologue sociale des organisations, je vous confirme que les groupes de plus de 8 personnes sont soumis à ces forces de division, car une personne ne peut pas entretenir des liens relationnels de qualité autant de partenaires.


Au cours de sa vie, le groupe va être traversé par une dynamique qui lui est propre. La spécificité de chaque groupe réside dans la liaison qu’entretiennent ces deux lignes de fuite à l’intérieur des groupes.


Les problèmes des ces groupes peuvent se classer en 4 phénomènes :

a) Le premier relève de la communication : Selon le psychologue Jungien, Paul Watzlawick (1972), « on ne peut pas ne pas communiquer ».

Le groupe communique verbalement ou non-verbalement. Pour le psychanalyste Didier Anzieu et le neuropsychiatre et psychosociologue Jacques-Yves Martin, cette communication va engendrer des interactions, des structures, des réseaux de communication (Anzieu et Martin, 1982).


La communication a deux fonctions, celle de transmettre les informations et celle de créer ou maintenir des relations.

Ce que la personne dit dans le groupe, la manière dont il le dit, ses références, etc,

Exemple : lorsqu’au cours d’une émission publique, l’un des experts s’exprime plus légèrement que les autres et que ses collègues estiment qu’elle n’a pas dit des choses suffisamment sourcées pour le niveau d’analyse qui est attendu du public, Cela aura un impact sur la relation qu’il entretiendra avec les autres membres. C’est ce qu’on appelle l’influence de la communication d’une personne.

Cette influence va colorer les relations qu’il entretient et va jouer sur l’évolution de celles-ci.


b) le second relève des affinités : Les psychologues Anzieu, Martin et Maisonneuve, ont étudié comment la cohésion des groupe protège de l’angoisse. Comment l’attraction, la sympathie et la satisfaction affective, due à perceptions de valeurs communes, intérêts et proximité… favorisent les relations dyadiques, les sous-groupes et alliances informelles.

Ces affinités se caractérisent par une certaine stabilité entre partenaires privilégiés au sein d’un groupe ; « ceux en qui nous croyons » et avec qui nous partageons nos idées.

Elles sont essentielles, car ce sont ces alliances qui nous permettent parfois d’échapper à la situation groupale.

C’est la structure informelle des groupes, dont parle Jean Levy Moreno en 1934, dans son ouvrage : « Who Shall Surivive ? ». Ce médecin américain d’origine Roumaine est l’initiateur de la psychothérapie de groupe (1932), mais également, l’inventeur de la sociométrie et des fameux tests sociométriques (carte des réseaux des relations informelles, par opposition aux relations formelles, fournies par l’organigramme).


c) le troisième est donc, l’influence : La communication engendre des circulations de significations entre les personnes. Ces significations nous parlent.

Je prends l’exemple du Syndicat Liberté Santé. Au sein de ce groupe, aujourd’hui encore, lorsqu’une personne suggère à une autre qu’elle pourrait faire différemment ou mieux ; l’animateur de la réunion, lui rappelle aimablement la devise du groupe : « c’est celui qui dit qui fait ».

Cette maxime rappelle que la remarque même la plus bienveillante, peut affecter celui qui en est destinataire d’une façon que l’on ne contrôle pas.

La puissance de cette phrase permet de rappeler à chacun, de façon amicale, que chacun fait de son mieux, dans le temps qu’il a et avec les moyens dont il dispose.

Pour le dire simplement, cela signifie que des influences s’exercent entre les individus qui communiquent et qu’il faut y rester vigilants.

Je vous renvoie aux travaux du psychologue québécois Bruno Fortin 1991, « dès que le groupe entreprend de communiquer, il vit une expérience de partage de l’influence, du leadership ».

Pour le psychologue Robert Delhez (1990), le leadership peut-être objet de lutte entre certains membres du groupe.

L’épistémologue Alex Mucchielli (1986) définit trois types d’influences :

- l’influence informative : celui qui apporte l’information, les éléments de contenus.

- l’influence normative : celui qui rappelle les normes du groupe, ce qu’on doit faire et comment,

- et l’influence évaluative : celui qui approuve ou non, qui juge.


L’influence et le leadership sont intimement liés à la dynamique du pouvoir.

Le pouvoir dans un groupe étant, l’influence potentielle maximale qu’on est susceptible d’avoir sur un autre.

Le pouvoir s’inscrit dans la relation. C’est-à-dire, que la volonté des autres à accepter le pouvoir de quelqu’un est déterminante.

Elle peut réveiller alors les stratégies des autres leaderships.

Rappelons que le pouvoir n’est jamais acquis définitivement et qu’il est coûteux à conserver.


d) les rôles : les membres du groupe vont progressivement se différencier en fonction de la place qu’ils occupent dans le groupe.

Selon Jean Maisonneuve (1980), le rôle est l’ensemble des conduites requises, attendues ou jouées par un sujet en fonction de sa position dans le système.

Le rôle dépend donc du statut, de la position officielle ou sociale de la personne : président, secrétaire, fondateur, etc…

L’acquisition des rôles résulte d’un processus interactif entre les membres du groupe. Les gens acquièrent des rôles qu’ils prennent, mais également, parfois parce qu’on leur donne.

De ces rôles découlent des attentes. Lorsque quelqu’un occupe une position, prend une certaine place, les autres attendent qu’il se comporte d’une certaine façon.


Il existe des distinctions de rôles qui sont fondées sur des normes groupales :

Un groupe d’individu peut parfois encourager chacun de ses membres à rester aveugle. Si l’un d’eux perçoit quelque chose, il n’osera pas en parler, faute de savoir à qui le faire et par crainte d’être jugé. C’est la pression sociale. Elle muselle les témoins et soude le groupe dans un silence complice.

Les groupes ont besoin d’homogénéité pour tenir. Le problème des groupes dont nous parlons, est qu’ils sont constitués de personnes qui revendiquent leur originalité et leur pensée propre.

Les normes des groupes sont alors mises à mal et les lignes directrices se dessinent. Le défi des groupes est de résister à cette force de division en réglant ses conflits internes, de tenir contre la tentation du clivage et l’effet de bouc-émissaire.

Les conflits parlent d’un niveau où les membres du groupe se traitent d’égal à égal, mais nous avons vu que les effets d’influence et les rôles donnent des pouvoirs informels différents de ceux annoncés officiellement. Ces avantages informels changent la donne et peuvent donner un avantage, un pouvoir informel à un membre ou un groupe de personnes qui pourra en abuser.

L’abus de pouvoir répété pose de nouvelles normes, informelles, c’est le principe du harcèlement.

Comme le rappelle ma collègue Ariane Bilheran, son étymologie l’indique, il « égalise à l’aide d’une herse », en d’autres termes, il coupe les têtes qui dépassent.

Le Dr Bilheran est spécialiste du harcèlement, elle est l’auteure de nombreux ouvrages sur ce thème et a réalisé de nombreuses enquêtes et d’audits sur ce sujet.

Elle décrit le harcèlement comme une méthode appliquée consciemment sur une certaine durée et qui cible un individu en particulier, pour le conduire à l’autodestruction.

Ce mode de relation est celui des profils paranoïaques et parfois celui des pervers, souvent les complices actifs de leaders paranoïaques.

Entre alors en scène le rôle du « bouc-émissaire », qui permet au groupe d’expulser symboliquement toutes les fautes d’un groupe, afin d’en détourner la malédiction.

C’est celui qui est désigné par le groupe, pour catalyser les insatisfactions et les tendances agressives des autres. Paradoxalement, il incarne une fonction protectrice vis-à-vis de l’ensemble du groupe. Pourquoi ? Parce qu’il permet d’incarner toutes les tensions du groupe et évite aux membres d’aborder les conflits qui les traversent.

Quand la distinction d’un membre se fait par son positionnement personnel dans sa relation aux autres, on parle plutôt de : Stigmatisation.


Il faut penser le groupe comme un éco-système, qui a besoin de purger sa pulsion agressive. Chaque groupe le faisant avec plus ou moins d’élégance.

Ceci d’autant que le groupe tente de combattre des pathologies dont le fonctionnement « contamine ». Je vous renvoie pour cela à notre ouvrage : psychopathologie de la pédophilie (2017, réédité en 2021). Dans le chapitre : pathologie des institutions, nous décrivons les différentes attitudes maltraitantes et procédés maltraitants que les intervenants adoptent malgré eux en résonnance des affaires qu’ils traitent.


Les facteurs :

La nature de la tâche, son attrait pour chaque membre du groupe (hypothèse que les mouvements résistants s’essoufflent lorsque le problème qui a participé de leur création est résolu : fin de la dite pandémie, perspective de la mal nommée « réintégration des soignants »)

Et donc la motivation,

Ainsi que d’autre paramètres, comme :

Le confort spatio-temporel, la qualité matérielle des communications : les réunions zoom vont plus vite s’essouffler, etc

Le renforcement : quand on rencontre de la gratitude, par exemple dans les commentaires de vidéos, au cours des colloques,…

L’équité : c’est la balance subjective que chacun établit inconsciemment entre ce qu’il apporte au groupe et ce qu’il en retire. Chaque membre fait également une comparaison entre son investissement et celui des autres. Cela ne signifie pas qu’il peut rationnaliser ce constat.

L’instrumentalisation : anticipation subjective que l’effort soit suivi d’une récompense.

La valence : valeur subjective de la récompense en fonction du désir qu’on a de l’obtenir.


Conclusion : les groupes qui souhaitent répondre aux attentes de la pulsion de vie, de rassemblement et de travail, doivent prendre soin de leurs sas de décontamination et de leurs espaces contenants, leurs enveloppes psychiques.

La sortie d’une situation de tension groupale ne peut donc se faire que par la verticalisation des positions. C’est-à-dire, une prise en compte des dégâts subis par l’autre, une reconnaissance du tort occasionné, des excuses et la réhabilitation de la personne et une marge de réparation du tort.

Par l’élaboration d’un positionnement supérieur à nos personnes, la remise au travail de chacun derrière sa mission première et avec la vigilance de celui qui cherche à équilibrer chacune de ces relations.

Cette attention apportée à soigner la probabilité de réalisation de ce qui se fait ou se dit au sein d’un groupe se nomme : « la conversion idéo-motrice » (Lebel).


En quoi ces mouvements ont-ils fini par incarner ce qu’ils dénoncent ?

Les groupes agissent comme s’ils perdaient de vue, ce pour lequel ils avaient été conçus.

Cette question me touche d’autant plus que je me passionne pour ce phénomène depuis que j’ai côtoyé les groupes familiaux, scolaires, religieux, institutionnels...

On s’est tous demandé, pourquoi certains tuaient au nom des religions, pourquoi des parents en venaient à frapper leur enfant, etc

Pourquoi tout groupe censé se battre pour contenir une catastrophe, se met à produire très exactement le mal contre lequel il lutte.


Je vais développer ici une analyse des défenses paradoxales conscientes et inconscientes, qui sont mobilisés par les groupes dits « résistants », pour contenir une catastrophe groupale ; ici : l’annonce d’être « en guerre », du 16.03.2020.

Un tel terme utilisé plusieurs fois dans un discours porté par la figure symbolique du Père de la Nation, accompagné de son injonction « restez chez vous », enjoint au cerveau d’avoir peur et au corps de ne pas bouger. Cette injonction paradoxale a pour effet de plonger tout psychisme dans la sidération, le déni, la fuite, la décompensation ou le clivage. C’est l’effet de la force de la division psychotique.

Cela réveille nos angoisses d’enfants, nos agonies psychiques primitives. Face à deux items incompatibles (parafoxe) : se maintenir en vie, alors qu’on réalise qu’on est dépendant, cela est terriblement angoissant, car cela nous renvoie à nos fragilités infantiles. Cela est d’autant plus vrai pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’avoir des parents suffisamment contenants psychiquement et qui n’ont pas pu éprouver la solidité d’une sécurité affective de qualité.


Mon hypothèse est que les groupes confrontés à de telles situations, se trouvent dans la situation d’affronter des mécanismes de déliaison, qui amènent le collectif à adopter un mode de fonctionnement collectif calqué sur le fonctionnement qu’ils sont en train de traiter. C’est ce que Jean-Pierre Pinel appelle : l’homologie fonctionnelle. 1989.

Je parle des institutions où j’ai travaillé : des services de psychiatrie, c’est-à-dire, travaillant avec des patients présentant de graves troubles de la symbolisation, qui n’arrivent plus à communiquer ensemble,

un service de maternité où j’ai travaillé, qui réagissait sur des versants affectifs extrêmement sensibles,

un service de protection de l’enfance où les chefs de service, parent symbolique, s’adonnaient à des passages à l’acte.

Je parle de la vie des groupes soumis à la pulsion de déliaison, que le psychanalyste Sigmund Freud qualifiait de Thanatos (pulsion de mort).

C’est déjà le point de vue que je soutenais dans notre émission sur la manipulation des foules et sur l’ingénierie sociale en période de crise sanitaire.

https://www.youtube.com/watch?v=suFaOL-YXKo, https://www.facebook.com/watch/?v=485780556246260,

Cette homologie est cependant nécessaire, parce que c’est par ce déplacement que les « résistants » vont s’identifier aux contenus des identifications projectives injectés par la personne qui les disqualifie, afin de les traiter.


Pour en revenir à ces groupes, dits de « résistants », ces derniers, ont dû faire un travail d’appropriation du terme « complotistes », pour commencer à se regrouper.

Mais rapidement cette identification a montré ses limites, et s’est avérée néfaste car elle a sollicité une sorte d’engrènement (Racamier 1990).

La pathologie contre laquelle ces groupes luttent s’est répercutée au sein de ces mêmes groupes, sans trouver de butée et a permis le délitement des liens et cadres de référence personnels, groupaux et institutionnels. Il a ouvert une porte à la possibilité de banaliser la transgression. Et il y a eu des passages à l’acte.

Paradoxalement, c’est donc cette désorganisation (paradoxale et psychotique) qui a servi d’organisateur central pour ce qui est de l’économie libidinale des groupes.


Alors bien sûr, de l’extérieur, on ne comprend pas, pourquoi ce sont les personnes qui luttent contre le clivage qui en fabriquent : il y a tellement de paramètres en jeu, qu’il s’agit surtout de ne pas juger et de parvenir à reprendre de la hauteur, afin de se recentrer sur le but commun.


Ce qui fera éviter les clivages, … c’est l’empathie… éduquer à l’empathie. Refaire fonctionner les neurones miroir, rééduquer le cortex préfrontal, les émotions fines, réeduquer au délicat, à la pudeur, aux temps logiques de la compréhension et de l’intégration des choses.


Pourquoi cela arrive aujourd’hui ?

Rappelons que biologiquement, aucun organisme ne peut tenir longtemps sous les effets du stress. Le stress fonctionne comme un réflexe qui fait sécréter des hormones au système nerveux et dopent naturellement l’organisme.

Le Système Nerveux Autonome déclenche la production d'hormones destinées à apporter une réponse à court terme, si le stress se prolonge, l'organisme active instantanément l'hypothalamus, (qui assure l'homéostasie, c'est-à-dire le maintien à l'équilibre). Lorsque le stress persiste encore, on parle de stress chronique. L’hippocampe perd sa capacité à freiner l'hypotalamus et le cortisol reste élevé. Ce dernier manifeste alors son pouvoir anxiogène et dépresseur sur nous. Il entraîne une dégradation de la mémoire et de nos capacités d'apprentissage. On atteint ce que les spécialistes appellent "la phase d'épuisement"


Mon hypothèse est qu’en 3 ans, beaucoup de personnes ont atteint ces seuils et bien qu’ils en parlent peu, ils en ressentent les effets. Certains ont perdu leur travail, leur réputation, leur santé, leurs amis, ils ont pu voir leur famille ou leur couple se diviser, etc

Je parle des figures connues, des professionnels de soin et assimilés et tous les professionnels qui travaillaient simplement dans des lieux où ces mesures ont été appliquées et qui ont subi les même contraintes mais n’ont pas de bannières sous lesquelles être reconnues.


Parallèlement à cet état d’épuisement personnel, les groupes traversent des étapes de vie.

Les 4 étapes de la vie des groupes :

Quand on y regarde de plus près, on réalise que les individus qui se sont sentis différents en 2020, ont voulu tout d’abord se rapprocher. Ce phénomène se survie est le résultat de la pulsion de vie, qui mène dans un premier temps, à la reconnaissance, au rassemblement et à la volonté de créer des groupes. Les membres de ces groupes, vont dans un premier temps, s’observer, prendre leur place dans le groupe. Chacun est mu par ses besoins individuels.

Dans un second temps, on ébauche le collectif. On tente de s’assembler, c’est le moment de l’émergence des rôles, des affinités, des normes. Les différences apparaissent mais le groupe parvient à s’uniformiser.

Vient ensuite l’étape de la collaboration, faire ensemble. Les positions vont s’affirmer, c’est l’euphorie groupale, mais aussi l’heure des confrontations et tensions secondaires. Elles viennent après les équilibres fragiles et un peu irréels des compromis, sans nul doute défensifs liés à l’étape précédente.

Enfin vient le temps de la stabilité, de la collaboration, de la cohérence groupale. Le groupe élabore des stratégies de résolutions communes, qui permettent de consolider les règles, les rôles et la mise en place des mécanismes permettant le maintien de l’organisation de travail au-delà de l’expression des désaccords.


Dès lors, il nous faut être attentif à maintenir une hygiène psychique personnelle.

Une conscience de notre propre responsabilité éthique. Je parle d’hygiène relationnelle, parce qu’il s’agit de prendre soin de ses relations, avant qu’il y ait un problème ; en prévention, comme on se brosse les dents, avant l’apparition des caries. Chaque groupe doit prendre soin de respecter sa position symbolique, verticalisée. Celle qui s’acquiert par l’éducation, par la domestication et le refoulement de nos pulsions agressives. La position symbolique, permet d’accepter la différence, la séparation et l’altérité et la séparation.

Sans cela, nous sommes prêts à nous faire attraper par les phénomènes naturels de clivage.

Le risque est que le groupe hypothèque sa mission du départ en plus de l’équilibre psycho-affectifs de chacun de ses membres.


Maintenant que vous connaissez ces procédés, vous savez que tous les groupes sont soumis à ces cycles de vie. Cela n’a rien à voir avec l’intelligence, les clivages internes sont un phénomène naturel d’homologie des groupes.


Amandine LAFARGUE

diplômée de psychologie sociale,

de psychologie clinique et psychopathologie,

psychothérapeute et psychanalyste.


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